“Les fleuves du ciel” d’Elif Shafak

Arthur naît en 1840 sur les bords de la Tamise, sa mère est ferrailleuse, elle brasse la boue du fleuve pour trouver des choses à vendre ; il sera baptisé « Rois des égouts et des taudis », va vivre plusieurs événement qui lui donneront un lien particulier à l’art et la culture mésopotamienne. Le plus important est celui où à 13 ans il est engagé dans une imprimerie et qu’il découvre « L’épopée de Gilgamesh ». Cette œuvre a été écrite en caractères cunéiformes sur des tablettes d’argile. A cette époque de nombreuses tablettes restent un mystère pour la traduction, Arthur deviendra expert. C’est un garçon extrêmement intelligent, curieux, opiniâtre, qui évolue dans une vie faite de misère et de violence. C’est un personnage auquel on s’attache beaucoup.

Il y a aussi l’année 2018 et Zaleekhah, une trentenaire qui fait des recherches sur l’eau et s’intéresse particulièrement à la mémoire de l’eau. Une goutte va d’ailleurs être l’un des fils conducteurs entre les différents personnages. Zaleekhah vient de se séparer, elle s’installe dans une péniche sur la Tamise. La propriétaire de sa péniche est une jeune femme qui se nomme Nen, qui est tatoueuse et qui ne tatoue que des motifs cunéiformes rappelant la Mésopotamie, la ville de Ninive et son fleuve le Tigre.

2014, justement au bord de ce fleuve « le Tigre », vit une famille Yézidie, plus particulièrement la grand-mère et sa petite-fille Naryn âgée de 9 ans. Celle-ci doit être baptisée et cette famille décide de rejoindre la vallée de Lalesh, sacrée pour les Yézidie et située en Irak. Cette famille vit à proximité de plusieurs frontières la Turquie, la Syrie et l’Irak, au moment où arrive daesh…

Ces trois histoires se relient de manière fluide, chacune dans une atmosphère différente, extrêmement bien rendue, on imagine la noirceur et le froid de Londres en 1850, aussi bien que la lumière et la chaleur des bords du Tigre. Chacun des personnages, Arthur, Zaleekha, Naryn, pourrait à lui seul valoir un roman. À travers ce voyage incessant entre les époques et les lieux, l’autrice raconte aussi le dérèglement climatique, le pillage des vestiges historiques, la cruauté faite aux Yézidis. Elif Shafak s’appuie sur une documentation nourrie, elle reste pourtant une formidable conteuse, ce qui en fait un livre hautement romanesque et dans la multitude d’autofictions publiées ces temps-ci, ca fait du bien ! Un grand et beau roman.

“Les fleuves du ciel” d’Elif Shafak, éditions Flammarion

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